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Voyage en Italie - partie 1


Lorsqu’une très jolie jeune femme, une fitness girl affutée comme une lame et qu’on appellera CupCake parce que Apfelstrüdel c’est trop compliqué à écrire, vous demande soudainement au cours d’une soirée à boire un coup avec des amis : “Chiche, on part tous les 2 faire de la rando dans les Dolomites pendant une semaine” qu’est-ce que vous répondez ?

Oui bien sûr

C’est comme ça que ça a commencé

Voyage en Italie, la partie déraisonnable

On avait donc quelques mois pour préparer ça, se renseigner sur ce qui pouvait se faire, les dates possibles parce qu’elle avait un agenda plus contraint que le mien, à se tourner un peu autour en se reniflant la truffe parce qu’on ne se connaissait pas vraiment plus que ça en dehors d’un goût certain pour la salle de sport.

Bref, il fallait un peu s’organiser ce qui a été fait : on partirait début mai, un peu tôt dans la saison ce qui fermait la perspective d’une rando au fil des refuges qui seraient fermés, mais ouvrait un programme plus confortable de rayonnement autour d’une base avec petit déjeuner compris.

Voyage jusqu’à Venise sans histoire, un peu de route jusqu’à Cortina d’Ampezzo et nous voilà parés pour une première randonnée

Alors il faut savoir que le Dolomites sont réputés pour leurs magnifiques paysages, montagnes, lacs, forêts, et chemins de randonnées.

L’hôtel que j’ai choisi est commodément situé en altitude et doit nous permettre de nous rendre facilement sur les départs de sentiers menant aux plus beaux sites de la région. Mais comme je l’ai dit, il est tôt dans la saison, ce qui a pour avantage de n’avoir pas trop la foule, mais comme inconvénient de n’avoir pas une météo des plus accommodantes tout le temps. Et précisément, il a neigé 60cm la semaine précédent notre arrivée, ça va avoir son importance pour la suite…

A la recherche du lac perdu

Première randonnée donc dont le départ est idéalement situé au pied de l’hôtel, direction le lac de Sorapiss.

Le trajet doit faire une BOUCLE (j’aime faire des boucles et ça va parfois énerver CupCake mais on y reviendra) d’une quinzaine de km avec un peu de D+, environ 500m

Nous voici donc partis gaillardement dans la neige sur ce parcours qualifié d’expert par Komoot : « Certaines parties de votre itinéraire comportent des terrains très techniques, difficiles ou dangereux. Un équipement adapté et une expérience préalable sont nécessaires. »

Parce que oui, j’ai planifié toutes nos excursions sur Komoot, trop bien, et qu’elles sont souvent niveau expert parce que CupCake et moi on est des experts en randonnée (non, mais on a une condition physique à respecter).

Cette randonnée est souvent qualifiée de merveilleusement belle et promet d’admirer « la beauté indescriptible de ce lac à la couleur turquoise et laiteuse ». Un programme alléchant il faut le reconnaître.

On marche donc quelques heures dans la neige pour arriver à ce fameux lac à la couleur très mais vraiment très très laiteuse recouvert qu’il est d’une épaisseur de neige telle qu’on n’aurait jamais su qu’il y avait un lac sans la carte qui nous le démontrait… Pas de bleu turquoise pour ce premier jour, on n’a plus qu’à boucler pour rentrer.

Alors comment dire, la trace jusqu’au lac a été emprunter par d’autres randonneurs avant nous mais ils n’ont pas eu le mémo pour la boucle et malgré de nombreux essais dans la neige, à s’enfoncer parfois jusqu’à l’aine, à marcher sur des arbres recouverts de neige, à perdre une chaussure au fond d’un trou mais heureusement la retrouver, faire des montées, des descentes, des tours et des détours, on ne trouvera pas la trace de la boucle et on finira par rentrer par le chemin de l’aller. Je pense que le ressentiment de CupCake pour les boucles a commencé là…

Tre Cime, la star des Dolomites

Seconde randonnée programmée, une grande boucle de 20km avec 1200m de D+, on rentre dans le dur !

C’est une randonnée niveau Expert : « Excellente condition physique nécessaire. Excellente maîtrise, chaussures résistantes et expérience alpine exigées » ça va être bien ! Départ aux aurores mais quand même de jour, on n’est pas des bêtes et on a le petit déj compris avec la chambre.

Les photos sur Komoot ont l’air trop bien, mais il n’y a pas de neige, on aurait peut-être dû se méfier.

Déjà, au départ, on se fait alpaguer par un chinois qui veut aussi faire cette rando, mais il n’a ni carte ni itinéraire, il demande s’il peut s’accrocher à nous. Pourquoi pas, on verra s’il arrive suivre.

On est plus haut qu’hier, il y a plus de neige mais aussi un beau soleil, ça va le faire. Ça monte aussi, et bien même, on avale le D+ courageusement en suivant la trace avec plus ou moins de précision. Mais en arrivant vers le Belvédère des Cadini di Misurina, ça se complique. La trace devient difficile à suivre et comme pour la veille, on teste des chemins divers mais avec des pentes autrement abruptes. La vue est magnifique, même quand on tourne en rond. Notre chinois un peu largué en profite pour nous rattraper, il observe pour voir si on retrouve la trace le fourbe ! Et nous finissons par la retrouver, bien cachée, on peut continuer !

Mais la suite du chemin n’est pas la même, là on rentre dans une nouvelle dimension. Passé un goulet abrupt et bien glissant ou il faut s’agripper partout, on débouche sur un sentier à flanc de montagne, étroit et visiblement peu pratiqué, encombré de neige et partiellement effondré par endroit. Mais c’est notre route, et nous nous y engageons donc, même notre chinois nous suit.

Et ça ne se passe pas trop mal sur le début, quelques passages délicats comme cette pente à pic heureusement équipée d’un escalier en acier malheureusement invisible ou presque sous la neige. Je m’obstine à avancer espérant des passages meilleurs alors que je vois bien que CupCake n’est pas très en joie, mais elle suit, cette femme est à la fois admirable et sans doute un peu givrée aussi…

Arrive un moment ou même pour moi qui ne suis pas un modèle de mesure et de précautions, je trouve que ça devient dangereux. Je fais part de ma réflexion à CupCake et vois dans regard une flame de gratitude, il est temps de rebrousser chemin. On explique à notre chinois que ce n’est plus praticable et on revient sur nos pas, adieux ma petite boucle…

Et d’un coup, sur un passage assez mauvais que je n’avais pas aimé déjà à l’aller, ça s’est passé très vite. Je m’engage sur une bande de neige qui recouvre un bout de chemin très abimé, mon pied dévisse, et je glisse dans la pente très à-pic à cet emplacement. Je suis sur le ventre et si j’avais eu des bâtons, j’aurais pu appliquer la technique que nous avais enseigné Solange dans le GR20, à savoir tenir un bâton à 2 mains planté perpendiculairement à la pente dans la neige pour se freiner, efficacité garantie. Mais je n’ai pas de bâton, donc je me retiens comme je peux avec les bras et j’arrive à me stabiliser sur une pierre un peu plus grosse à peine un mètre plus bas, avant de vraiment dévaler vers le fond du ravin. Je vois aussi mon bras qui fait un angle bizarre…

On nous apprend à l’école que l’on a 5 sens : vue, toucher, gout, olfactif et audition. En vérité, on en a plus que ça, dont entre autre la perception de la position des différentes parties de notre corps dans l’espace. On sait par exemple déplacer précisément sa main pour se gratter le nez même dans le noir. Là, il y a eu une désynchronisation entre ma perception de la position de mon bras droit et la vue que j’en avait. Un bug. Et ce n’était probablement pas une bonne chose.

Effectivement, je constate une fois stabilisé que j’ai l’épaule déboitée. Première fois que ça m’arrive, je ne recommande pas. Et il me vient à la tête cette scène dans l’arme fatale ou Mel Gibson se déboite volontairement l’épaule pour se libérer puis la remet en place en tapant dans un mur. Et je me dis, c’est rien, il faut juste trouver un mur ! Je ne sais pas si c’est une vraie bonne idée… Alors je me tourne vers CupCake pour lui expliquer la situation et lui demander si elle peut me la remettre en place parce que je ne voudrais pas m’évanouir maintenant et reprendre ma chute. Elle est livide… Elle m’a probablement vu partir et imaginé rebondir 3 ou 4 fois dans les cailloux avant de me disloquer au fond du ravin, ou quelque chose comme ça.

Ais-je déjà évoqué à quel point c’était quelqu’un de remarquable ? Malgré le traumatisme que je venais de lui faire subir, elle m’a rejoint et a manipulé mon bras comme elle pouvait ce qui l’a remis en place. Chance ou talent, peut être un peu des 2, mais d’une efficacité redoutable

Le temps de reprendre nos esprits, on décide de se remettre en route malgré le bras qui ne fonctionne plus très bien même s’il a retrouvé une position légale et sachant les passages à venir un peu compliqués avant de pouvoir reprendre la descente vers la voiture qui devrait être plus simple. On fait ça. On se détend même un peu avec une bonne descente sur les fesses qui nous fait définitivement perdre notre chinois et nous permet de rentrer finalement assez tôt à l’hôtel. La réceptionniste nous encourage à aller à l’hôpital de San Candido pour me faire examiner, plus sûr que celui de Cortina qui n’est visiblement pas recommandé et on va donc faire ça aussi, mais ce sera dans la suite de nos aventures.

Cet épisode marque un tournant dans le voyage mais aussi probablement dans notre relation naissante entre CupCake et moi. Je me suis montré orgueilleux et trop sûr de moi sur un terrain visiblement dangereux et je l’ai entraînée avec moi, ce n’était pas malin. Elle m’a suivi en me croyant sûrement plus expérimenté que je ne le suis en réalité, et heureusement que c’est à moi qu’il est arrivé quelque chose parce que j’en porte l’entière responsabilité. La vérité c’est qu’on n’aurait jamais dû s’engager au-delà du Belvédère. Alors oui, on continuera plus calmement mais quelque chose s’est sans doute cassé dans la relation de confiance qu’elle pouvait avoir commencé à tisser et c’est entièrement de ma faute. Si tu lis ces lignes, CupCake, sache que j’en suis vraiment désolé